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Commencements

Commissaire de l'exposition Anaël Pigeat.

Petite Galerie de la Cité internationale des arts, Paris.

Du 21 octobre au 21 décembre 2020

Depuis ses débuts dans une école d’art de Caracas, Rosa Maria Unda Souki construit des espaces intérieurs, des espaces perdus, qui lui ont été usurpés, qu’elle a réinventés. Très tôt, elle a mis en place un vocabulaire qui ne l’a plus jamais quittée, qui s’est développé pendant ses années parisiennes au début des années 2000. Depuis son retour en France l’année dernière, après un nouveau séjour à Belo Horizonte, elle renoue les fils de ses exils successifs mais aussi des constructions et des élaborations qu’ils ont occasionnées. 

    

Dans ses premières images, qu’elle a toujours gardées avec elle comme les rares vestiges d’un temps disparu, elle expérimente les matières, les épaisseurs et les formes. La plus ancienne date de 1994. Encore installée au Venezuela, elle découvrait alors son langage en peinture, ses premières ­compositions vues du ciel, comme des plongées un peu distantes dans ses mondes ordinaires. Certaines sont extraordinairement détaillées, et d’autres réduites à de simples formes dont la géométrie flottante suggère des réalités plus fantasmées.

 

Au fil des ans qui ont suivi, ses perspectives à vol d’oiseau, qui tiennent moins à l’art du Japon qu’à celui des enlumineurs du Moyen-Âge, se sont progressivement enrichies d’atmosphères réalistes magiques, de références à des maisons d’écrivains comme Federico Garcia Lorca, ou d’artistes comme Frida Kahlo à qui elle a consacré une série qui l’a occupée plusieurs années. Elle a entouré ces images à l’huile de cadres peints fourmillant de références minutieuses et de symboles à l’ésotérisme érudit.

Il y a dans cette série de tableaux une tension palpable entre un besoin de liberté et un sentiment d’enferme­ment – qui contraste de façon paradoxale avec leur sujet, des lieux de création. 

    

Plus récemment, de retour à Paris, elle a repris de nouvelles séries représentant son propre intérieur, comme elle l’avait fait dans son appartement de Montreuil il y a dix ans. Ces images, dont elle a aussi fait des peintures, sont destinées à un roman graphique qui vient de lui être commandé, récit de son existence, de ses trajets transatlantiques, et de sa vie quotidienne à Paris, où elle a occupé deux ateliers successivement depuis son retour en France, au Couvent des Récollets et à la Cité internationale des arts quai de l’Hôtel de Ville. C’est aussi de ces heures de travail autorisées par un confort de travail soudain rendu possible, que parlent ces images. 

 

Ont enfin surgi de ces travaux, des formats plus intimes, sur des tablettes de bois, d’autres souvenirs encore de la maison de son père, autrefois si souvent peinte. Mais leurs formes sont plus abstraites et plus libres. Sa dernière série, réalisée pour l’exposition « Commencements », est directement issue de ces recherches, et de celle des vingt années qui précèdent. Ces œuvres sont toutes sur papier, témoignages des alchimies de son laboratoire mental. On y reconnait la maison du Venezuela, où s’aventurent parfois quelques plantes réalistes magiques. L’effet de claustration, souvent ressenti dans son œuvre, semble trouver quelques échappées à travers les perspectives mais aussi le jeu des couleurs et les matités de la gouache. Comme libérées, les images semblent flotter dans l’espace et au fil des années.

 

Anaël Pigeat, commissaire de l’exposition

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